Durant les deux dernières décennies du XXe siècle, le Grand Prix de la Citadelle connait ses grandes heures de gloire. Un nombreux public international prend d’assaut les versants de la célèbre colline namuroise. Il s’installe, parfois plus d’une semaine à l’avance, dans des tentes plantées aux endroits stratégiques du circuit pour ne pas manquer une miette du fabuleux spectacle du premier dimanche d’août.
The Most Spectacular Circuit
L’ambiance y est exceptionnelle selon les pilotes eux-mêmes. Les spectateurs, dispersés le long des 2700 mètres de la piste, découvrent, soudainement, les pilotes et les encouragent bruyamment. Des contingents anglais, américains, allemands ou encore français se font aussi remarquer sympathiquement par leur accoutrement de supporter !
Follement encouragés par leurs fans, les pilotes deviennent de véritables stars. Ils déplacent les foules qui les suivent et qui ne sont pas toujours respectueuses de l’environnement où se déroulent les Grands Prix. Les tensions s’élèvent ainsi entre partisans et adversaires du circuit tracé à la Citadelle de Namur. Les organisateurs multiplient, avec succès, les initiatives pour répondre aux critiques émises par leurs détracteurs : ramassage des déchets, déplacement du camping, clôtures de protection des propriétés, suppression des soirées, etc.
Sur le plan sportif, les champions se livrent, très souvent à Namur, un combat déterminant pour la conquête du titre mondial. En 1979, la surprise est venue d’un jeune adolescent originaire de la région hutoise. André Malherbe, nouveau pilote chez Honda après être passé chez KTM, participe au Grand Prix de la Citadelle pour aider le leader de son équipe, Graham Noyce à s’emparer du titre mondial. Il termine la première manche derrière Roger De Coster, supporté ce jour-là par Eddy Merckx et Paul Van Himst, alors que son équipier s’assure de la première place mondiale. Dans la deuxième manche, Il devance son prestigieux aîné retardé par une crevaison. L’année suivante, ces deux champions se retrouvent chez Honda qui a engagé Roger De Coster pour aider l’équipe à conserver le titre.
Dédé Malherbe, le chouchou
Le Grand Prix 1980 est épique. Au championnat, l’Américain Brad Lackey, sur Kawasaki, devance André Malherbe de sept points avant leur explication à la Citadelle. Le Belge se montre le plus rapide dans les deux manches et rattrape son retard. Roger De Coster devance aussi Brad Lackey lors d’une manche et lui fait perdre de précieux points. Il gagne ensuite le dernier Grand Prix de sa carrière au Luxembourg alors que « Dédé » Malherbe assure son premier titre mondial.
J’ai toujours considéré que namur avait quelque chose en plus.
Au niveau déjà des spectateurs, il y a toujours eu beaucoup de spectateurs à Namur et en plus c’est vraiment un public formidable pour les pilotes. En ce qui me concerne, je trouve que Namur est vraiment particulier.
André Malherbe (3 x MX WC)
Les années qui suivent consacrent un nouveau duel. André Malherbe affronte un solide Suédois qui s’appelle Hakan Carlqvist et qui roule sur Yamaha. Ce dernier l’emporte à la Citadelle en 1981 mais « Dédé » ne prend aucun risque afin de préserver son avance au championnat qu’il s’adjuge une deuxième fois. L’année suivante, les deux rivaux ne sont pas en forme. Le Belge se fracture la jambe au Grand Prix des Etats-Unis et le Suédois multiplie les chutes et les blessures. C’est André Vromans qui s’impose à la Citadelle avant de finir vice-champion du monde derrière Brad Lackey, premier Américain à conquérir un titre mondial en motocross. En 1983, à Namur, André Malherbe rate le départ de la première manche et laisse « Carla » s’envoler vers la victoire. Il gagne la deuxième manche mais son rival reste dans ses échappements. Le Scandinave remporte le Grand Prix de Belgique puis coiffe la couronne mondiale.
Un circuit sous tension
Le circuit de la Citadelle reste silencieux en 1984. L’homologation n’est pas accordée par la Fédération Internationale Motocycliste suite à la pression négative exercée par le représentant de l’association des pilotes, le Belge Jaak van Velthoven. Le Grand Prix de Belgique est organisé à Marche. Il est remporté par Dave Thorpe mais André Malherbe, son équipier chez Honda, est sacré champion du monde.
Le 4 août 1985, la Citadelle retrouve son motocross. Le circuit est légèrement modifié. Un tronçon artificiel de 40 mètres est aménagé à proximité de la chapelle Sainte-Thérèse. La compétition est dominée par les pilotes Honda qui occupent les trois premières places du classement mondial. Le jeune Anglais Dave Thorpe s’impose devant l’expérimenté Malherbe. Il est ovationné par une foule de supporters britanniques massés à proximité du chalet du monument.
Une victoire ici reste marquée pour toujours! Moi, j’ai gagné une trentaine de Grand Prix mais les victoires que j’ai ici à Namur, je m’en souviens toutes et je ne suis pas prêt de les oublier.
Georges Jobé (5 x MX WC)
L’année suivante, après les exploits réalisés par les Diables Rouges en demi-finale de la Coupe du monde au Mexique, les pilotes belges remportent aussi leur match face à la concurrence internationale. A Namur, devant un public particulièrement nombreux, Georges Jobé occupe la première place sur le podium devant Eric Geboers et l’inusable André Malherbe. Il réalise la performance de battre l’armada Honda avec sa moto Kawasaki mais, finalement, Dave Thorpe prive André Malherbe d’un quatrième titre mondial pour cinq petits points.
Des trombes d’eau
L’édition 1987 se déroule sous une pluie battante. La piste est complètement détrempée. Georges Jobé, sur une Honda « privée », surgit de la boue et remporte la première manche. Il doit abandonner sur casse mécanique dans la deuxième mais il remportera la couronne mondiale de manière autoritaire. Le vainqueur du Grand Prix de la Citadelle est un pilote autrichien spécialiste de la catégorie 250 dont il a été le champion mondial en 1984 et 1985. Heinz Kinigadner est surnommé « Ketchup » en référence à son prénom et à la difficulté de prononcer son nom.
Le Grand Prix 1988 salue la victoire d’un revenant. Hakan Carlqvist termine sa carrière chez Kawasaki en beauté. Il remporte l’avant-dernière course de la saison à la Citadelle en s’arrêtant au chalet du monument pour déguster une bière tendue par son frère. Les images télévisées de ce coup de panache font le tour du Monde. Elles volent presque la vedette à l’autre star du jour. Eric Geboers glane les derniers points qui lui suffisent pour remporter le titre mondial. Il est le premier pilote à s’imposer dans les trois catégories après avoir été champion en 125cc et en 250cc. Il devient, à Namur, « Monsieur 875 ».
Le grand match des belges
Au sein de l’équipe Honda, toujours archi dominatrice, Thorpe et Geboers remportent le Grand Prix de la Citadelle et le titre mondial respectivement en 1989 et en 1990. Ils dominent largement la concurrence durant ces deux années. Eric Geboers gagne enfin à Namur, le jour de son 28e anniversaire, et s’adjuge, en même temps, une cinquième couronne mondiale. Le « Kid » rejoint le club des pilotes les plus couronnés, formé alors par Roger De Coster et Joël Robert.
A la seule exception de Jacky Martens, les années 90 couronnent à Namur des pilotes différents. Elles signent aussi le retour des écuries européennes après pratiquement vingt années de domination japonaise. Elles ne sourient pas à Georges Jobé qui remporte le championnat en 1991 et 1992 sans s’imposer à la Citadelle. Il y est battu par le surprenant Jacky Martens puis par l’Anglais Kurt Nicoll qui seront aussi ses plus grands rivaux durant la saison. Pour l’anecdote, le circuit namurois offre une première aux spectateurs. Une course de motocross est réservée à une trentaine de pilotes féminines !
En 1992, le Grand Prix se déroule sur trois manches de 25 minutes plus deux tours. Les points sont attribués en fonction de la place dans chacune des manches. Cette édition est également marquée par un grave accident survenu durant les entrainements du samedi. David Wynants, pilote namurois, heurte un arbre et est victime de lourdes fractures qui le laisseront paralysé.
Le dimanche 1er août 1993, la Belgique est en deuil. Le Roi Baudouin est décédé la veille à Motril, en Espagne. Le Grand Prix se déroule malgré tout selon la formule modifiée l’année précédente, en trois manches. Jacky Martens, passé de chez KTM à Husqvarna, pilote une moto équipée d’un moteur à quatre temps. Une telle motorisation ne s’est plus imposée à Namur depuis le temps des BSA victorieuses en 194 et 1966 avec Jeff Smith et en 1966 avec Arthur Lampkin à leurs guidons. La machine suédoise s’impose devant les Honda des Suédois Nilsson et Hansson. Elle permet aussi à son pilote de gagner le championnat mondial avec trois petits points d’avance.
En 1994, Marcus Hansson prend sa revanche en battant Martens de justesse aussi bien à Namur qu’au championnat du Monde. Le Grand Prix retrouve sa formule en deux manches de 40 minutes plus deux tours. A Namur, la deuxième est remportée par un jeune pilote belge, Joël Smets. Ses supporters seront alors toujours plus nombreux à le suivre donnant à la Citadelle les airs d’une grande kermesse flamande. L’année suivante, il rejoint le projet lancé par des ingénieurs suédois qui ont créé une moto quatre temps révolutionnaire sous la marque « Husaberg ». Il remporte la couronne mondiale mais termine deuxième à Namur derrière un autre Belge, Johan Boonen.
Les frères King
Les Grands Prix de 1996 et 1997 ont la particularité d’être remportés respectivement par deux frères. Shayne et Darryl King sont tous deux Néo-Zélandais mais ils roulent dans des écuries concurrentes. Le premier, le plus jeune, domine la saison 1997 tandis que Joël Smets ne parvient pas à grimper sur le podium à Namur mais finit vice-champion du monde. L’année suivante, le Belge prend sa revanche au classement mondial tout en terminant deuxième à la Citadelle derrière le frère King.
Une mousse pour Everts
L’édition 1998 est spéciale. Stefan Everts, triple champion du monde en catégorie 250cc, participe au Grand Prix de Belgique 500cc. Il remporte facilement les deux manches et réédite le geste sympathique réalisé par Carlqvist dix ans plus tôt. Largement en tête, il s’arrête au parc d’assistance pour vider une bière servie par son père… Joel Smets se contente de prendre les points nécessaires en vue de sa conquête d’un troisième titre mondial.
Après un nouvel échec à la Citadelle en 1999, Smets finira par l’emporter à Namur en 2000. Il bat le vainqueur de l’édition précédente, le Suédois Peter Johansson. Il y est également sacré champion du monde alors qu’il reste encore trois Grands Prix à disputer.
Le meilleur souvenir de ma carrière, et peut-être même de ma vie, c’était l’année 2000 quand j’ai pu décrocher mon 4ème titre mondial sur le circuit de Namur devant des milliers de spectateurs! C’était un truc de fou quand j’arrive sur l’esplanade.
Joël Smets (5 x MX WC)
Les organisations des Grand Prix de motocross sont confiées à une société internationale dont l’objectif est de professionnaliser les compétitions en vue d’attirer un maximum d’investisseurs. Parmi ceux-ci, les médias télévisuels tiennent une place toujours plus importante.